Los Camelots
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 Epopée Ducale.

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Le Duc
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Le Duc


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MessageSujet: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyMer 5 Juil à 5:42

[HRP : Voilà un nouvel RP du Duc que je poste en même temps que mon 200ème message, comme c'est sympathique. Le texte est intégral mais je suis obligé de le couper en plusieurs posts puisque le forum me dit que le message est trop long. Je rappelle que le Duc est un personnage qui a quelques petits problèmes, pour les nouveaux, vous pourrez avoir plus de précisions ici : http://www.fract.org/forums/lire.php?sujet=5184 . Voili voilou, bonne lecture et n'hésitez pas à apporter vos commentaires (surtout les mauvais huhu) HRP]


Habituellement, les grandes montagnes nordiques offrent à la ville de Los Camelots et à ses habitants une agréable diminution de température. En effet, en fin de journée, lorsque le grand astre perd en altitude, ses rayons dorés s’échouent sur la chaîne montagneuse esquissant ainsi une ombre imposante sur la ville, la libérant d’une chaleur jusqu’alors bien tenace. Seulement, ce jour-là ce fut un massif nuageux qui, poussé par un vent d’est, s’écrasa sur l’immense paroi rocheuse. Et, comme si les pics montagneux perçaient de toute part la forme blanche et éthérée, plusieurs litres de liquide s’effondrèrent. Le nuage dodu et bosselé se vidait de son essence comme un mourrant abandonne son âme. Enième fille du paternel flottant, une petite goutte chuta, imitant ainsi sa multitude de sœurs. Modelée au gré de l’air, son apparence sans cesse déformée, elle semblait tomber éternellement. Ridicule point tassé et sombre, Los Camelots apparaissait progressivement. Telle une femme laissant deviner ses courbes gracieuses, la ville montrait ses quartiers, ses bâtiments et finalement ses habitants. Et dans cette course vertigineuse le petit corps liquide acheva son éphémère existence en s’écrasant violemment, en s’éventrant misérablement, explosant sa modeste constitution sur une surface qui se voulait plus dure.

Quelques secondes plus tôt, un homme, un Camelots, le Duc remontait l’une des allées principales de la ville en maugréant sourdement du temps qui se préparait. Dans une curiosité de grand enfant, il arrêta sa marche et leva la tête vers le ciel. Ce qui se passait dans l’esprit du Duc, à ce moment précis, personne bien sûr ne pouvait le savoir. Les mains sur les hanches, les yeux fixés sur la grande masse informe qui trônait dans le ciel, il paraissait s’exalter, s’imaginer de drôles d’idées, échauffer brusquement son cerveau. Et si quelqu’un l’eût surpris alors, il aurait pu se dire que le Duc était un homme heureux. Maintenant souriant, il s’affublait d’un air bête, d’un air de créature qui ne comprends pas son plaisir mais qui en profite et en jouit. Le Duc, parfois, c’était un homme comme cela.
Soudain, une vulgaire goutte s’étala sur son front, l’arrachant subitement de ses songes. Ses traits faciaux changèrent en un point tel, qu’on eût cru voir un autre individu. L’enfant redevint brusquement adulte. Et c’était comme si, quittant son petit jardin spirituel, il recevait en une vague bien faite toutes les intempéries de la vie. Dédaigneux, il lâcha tout haut : «
Et mèèèèrde ! Saloperie de temps ! ». Reprenant la marche qu’il avait récemment abandonnée, il se pressa afin d’atteindre sa destination sans trop se faire mouiller. Ses cheveux et sa barbe se perlaient des billes célestes et translucides et déjà tout son cou était envahi d’une sournoise fraîcheur. Mais très bientôt, il eût rejoint son but : la case de Gwâara, le shaman Camelots.

S’il venait en ces lieux étranges tout comme l’étaient leur propriétaire, c’était bien parce qu’il y en attendait quelque chose. Lors de la dernière chasse à l’homme, le Duc s’était aventuré dans les recoins les plus sombres de la gigantesque et ancienne cité pré-crash. Perdu dans un sous-sol lugubre et louche où chaînes et squelettes faisaient partie du décor, il avait découvert une plante étonnante. Le végétal dépassait amplement le mètre, dégageait une odeur saisissante et surtout, était doté de fleurs dont les couleurs magnifiques semblaient innombrables. Surpris et séduit par l’aura bizarre de cette plante, le Duc l’avait rapportée à Gwâara sans but véritable, seulement poussé par la curiosité. Cependant lorsque le shaman eût aperçu le trophée ducal, ramené des profondeurs dans l’ancienne terre, il avait eut un rictus brusque. Ses yeux s’étaient couverts d’une lueur de désir intense, d’un besoin de posséder l’introuvable, comme possédé tout entier d’un sentiment lointain qui ne s’était encore jamais éveillé. Ah ! Bien ! C’était une sacrée découverte qu’il nous avait fait là le Duc ! Un hallucinogène rare qu’on ne trouvait plus de nos foutus jours tant et si bien qu’on l’avait relégué au rang de légende ! Et Gwâara s’emportait, exhibait son savoir d’herboriste à son grand plaisir et à celui du Duc. Ainsi donc, lui, le taré du coin comme on l’appelait parfois venait de faire mainmise sur un petit bijou. Bien sûr, il aurait voulu en profiter dès maintenant, jouir du plaisir promis. Mais non ! lui avait rétorqué le sorcier fou avec des yeux de petite vieille maligne. Il lui faudrait attendre. Trois lunes de préparation, pas moins ! C’était le prix à payer pour savourer pleinement ce met si rare. Mais après tout ! concluait le chevelu, dans l’attente grandit l’envie et donc le plaisir ! Et ainsi, excité de tout son être, désirant l’avenir comme il aurait dévoré une vierge, il se séparait de Gwâara d’une trépidation de jeune amoureux qui va peut-être recevoir son premier baiser. Et aujourd’hui, en ce jour de pluie, le Duc, d’un appétit qui avait mûri trois longues lunes durant, s’apprêtait à assouvir sa grosse faim.

Essoufflé du trajet qu’il venait d’accomplir, il pénétra dans la hutte du mystique sans aucune convenance, de toute sa démarche habituelle donc. Le visiteur se dirigea rapidement vers le cœur du bâtiment, sans même prêter attention aux bibelots ou outils de travail de Gwâara qui jonchaient négligemment le sol. Dans tout ce désordre, une modeste table de bois apparut enfin, presque intrigante de se tenir si dignement sur ces quatre pieds alors que tout autour s’écroulait. Et sur celle-ci se trouvait la tête du shaman, perdu dans un sommeil profond que ses deux bras soutenaient. Tout son être s’abandonnait lourdement dans ce besoin vital de ressourcement justifié par l’intense activité qu’il avait dû fournir ces derniers temps. Ce comportement inquiétait le Duc, car voilà encore qu’il ne pourrait accéder à sa trouvaille. Mais très vite il se rassura en voyant éparpillé sur la table ce qui auparavant était sa plante et maintenant plusieurs feuilles enfin exploitables. Tout de même ! Il lui avait fallu attendre si longtemps pour voir entre l’ancienne matière brute et l’actuelle si peu de différences ! Gwâara en tout cas n’avait pas l’air d’avoir chômé et très sûrement avait sollicité toutes ses connaissances de sorcier. Et alors qu’il parvenait à son ultime but, il venait de sombrer comme si cette facilité dernière l’avait vaincu, ce que maintes difficultés n’avaient pu faire. En bon égoïste qu’il était, le Duc amassa tous les ingrédients présents sur la table pour se préparer un joint comme jamais il n’en avait fait. Rouler était devenu un leitmotiv journalier pour la majorité des Camelots. Rien ne vint donc entraver cette activité et si le fond changeait, la forme restait identique. D’un aspect général, le Duc possédait une attitude souvent brusque et peu subtile. Et si cette dernière avait quelque peu modelé son corps lui procurant plus de force et de muscles ici et là, il n’en gardait pas moins des petits doigts de fée. Non pas que ses mains fussent d’une finesse exemplaire. Au contraire, elles étaient larges et boudinées, marquées par le travail de toute une vie. Ce qui justement retenait l’attention, c’était l’habileté qui s’en dégageait, comme si un esprit secondaire, un petit génie caché dans la peau les agitait, usait d’une magie profonde pour invoquer une grâce en paradoxe avec tout le reste du corps. Et c’est ainsi que l’exceptionnel joint prit peu à peu sa forme. Sortant une allumette de sa poche, le Duc fixait sa création avec un petit sourire d’homme satisfait. Gwaâra quant à lui dormait toujours et peut-être que son voisin, selon son humeur, partagerait. Mais pour l’instant le rouleur s’accordait un silence cérémonial.

Bientôt l’allumette craqua vivement contre la table engendrant une petite flamme blonde que chaleur et lumière accompagnaient. On eût dit une minuscule princesse dont la coiffe dorée s’agitait au désir de l’air ambiant et qu’un cortège grisâtre de fumée suivait. Le feu rencontra alors l’objet longitudinal que deux lèvres pinçaient fermement. Le blanc papier devint noir et la drogue, progressivement, s’embrasa délivrant ainsi ses secrètes essences. La première inspiration se fit en même temps qu’une brève étincelle apparut. Aussitôt la forteresse buccale se laisse envahir d’une bouffée guerrière. Le corps rétracte ce plaisir forcé, le veut voir disparaître mais l’esprit, lui, savoure et s’envole toujours plus haut dans les cieux des inconvenances désirées. Premier souffle enfin, l’organisme marque un temps de répit tandis que l’âme, gourmande, en redemande déjà. Le fumeur réitère l’opération par trois fois, toujours curieux mais bientôt agacé de voir si peu de différence avec le cannabis. Cependant les yeux du Duc se couvrent d’un voile et plusieurs vaisseaux sanguins éclatent apportant une dominante rouge aux deux organes. Gwaâra, à côté, dort. Maintenant, énervé, les inspirations sont de plus en plus fortes. Sourdement, le corps tout entier se met en branle. Gwaâra, à côté, semble dormir. Un plaisir ou peut-être une douleur se fait ressentir au plus profond des entrailles. Le nectar brûle toujours mais sa fin est maintenant proche. Tout autour est recouvert d’un brouillard. A côté, une forme indistincte est encore visible. Voilà ! La flamme qui pourtant paraissait éternelle vient de mourir. Le brouillard est là, épais et omniprésent. Se lever pour mieux voir, oui ! A côté, rien…



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Le sol s’ouvre ! Le gris omniprésent laisse place à un noir intriguant. Vide…Néant…
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Une douleur intense et profonde perdure à l’intérieur du crâne. Il fait toujours noir et surtout très chaud. Le cerveau est en proie à une fournaise interne et des groupuscules de flammèches sadiques semblent prendre plaisir à le maltraiter. Progressivement, le mal grandit et devient insupportable. Soudain les paupières s’ouvrent comme si l’esprit, désespéré et perdu dans cette horrible situation, avait agi en dernier recours à la manière d’une bête qui se sait vaincue. Alors, une lumière éclatante, blanche et excessive transperce sauvagement les pupilles pour mieux les incendier. Un cri puis des grognements teintés d’insultes se font entendre.

Très souvent, le Duc se réveillait de cette façon aussi brutale. Très souvent aussi, il revoyait la veille en bribes de souvenirs lui expliquant la cause de ce piteux état qu’il admettait d’un rire gras, en mauvais garçon qui a fait des folies. Mais cette fois-ci, la mémoire était défaillante. Aucun élément passé ne lui parvint, uniquement cette douleur qui désormais oeuvrait plus discrètement dans les profondeurs cérébrales. Si cette absence l’étonnait, il le fut bien plus en regardant devant lui. Une énorme étendue d’herbe bien touffue – cette matière qu’il pensait ne plus jamais revoir – recouvrait le sol jusqu’à l’horizon lointain. Interdit, le Duc se leva en vacillant. L’océan vert qu’il avait d’abord aperçu était en fait beaucoup plus bas que lui. Derrière, une énorme montagne présentait son imposante verticalité. Le Camelots se trouvait à la base de cette dernière, sur l’endroit où elle débute sa longue ascension céleste et qui ensuite devient plus abrupte. La région abritait une végétation des plus luxuriantes et la majeure partie de la montagne disparaissait sous un drap végétal. Près du Duc s’écoulait une rivière aux eaux limpides dévalant la pente entre tous les arbres et buissons pour finalement continuer son chemin dans l’immense plaine, plus bas. Au loin, une multitude de petits bois se démarquaient laissant paraître des îlots verdâtres. Tout dans cette région semblait comblé et généreusement garni des éléments nécessaires, rappelant le désert comme un égoïste qui n’avait que son sable à offrir. Où était-il ? Qu’est ce qu’il avait bien pu foutre encore ? Et c’était quoi cet endroit ? Les questions se multipliaient dans la tête du chevelu. Lui qui aurait dû se réveiller dans sa case, à Los Camelots, après une soirée sûrement trop arrosée venait d’apparaître au milieu de nulle part, sans raison. Il s’assit en bougonnant dans l’herbe moelleuse puis apposa sa main sur son front comme si ce geste lui eût permis une meilleure concentration. Mais il fut bientôt tiré de ses songes car un buisson des alentours venait de s’agiter.

Inquiet, le Duc se releva vivement. Peut-être était-ce un animal curieux, ou même un homme qui pourrait enfin lui expliquer où il se trouvait. Le buisson fut pris d’une nouvelle secousse puis un être se montra enfin. Il s’agissait d’un homme court sur pattes arrivant à peine aux hanches du Duc. Ce n’était pourtant pas un enfant. Ses traits affichaient un vécu déjà conséquent. Son apparence étonnante renforçait le ridicule de l’aspect vestimentaire : des bottines en cuir noir qui contrastaient avec le pantalon et la petite veste boutonnée, tous deux d’un vert criard. Le couvre-chef surtout finissait d’achever le caractère risible du personnage : un chapeau vert de bouffon, mou et doté de trois cornes en tissu où aboutissaient à chacune d’entre elles une petite clochette de couleur différente ; une rouge, une bleue et une dorée. Cependant, même dans cet accoutrement, le nain adoptait un air princier, fixant le Duc de ses deux yeux noirs. Un large sourire laissait apparaître ses belles dents blanches et déformait ses joues, un peu grasses, marquées presque symétriquement par deux pustules poilues. Le petit homme avança en sautillant jusqu’au Duc, tintant l’air de ses clochettes. Le Camelots, la bouche ouverte ne comprenant plus rien à la situation, tenta une approche dialogique :
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyMer 5 Juil à 5:44

Euhhh… * se gratte la tête, tout en regardant son destinataire * Bah… je…

Le petit être vert, sans même tenir compte de ces dernières hésitations, ouvrit grand les bras, continuant à sourire. Pendant quelques instants, il resta figé dans cette position idiote puis poussa un petit cri. Il remua la tête trois fois encore, entraînant du même coup ses clochettes, puis parla d’une voix de jeune enfant :

Mes salutations, Homme grand et poilu,
Le Merveilleux Pays accueille ta Personne,
Bonheur et Joie en sont ses aimables vertus,
Alors viens avec Nous en faire le partage !

Le Duc ne put s’empêcher de retenir un sourire provoqué par la surprise d’un tel langage. Il continua, tâchant d’adopter un ton plus cordial qu’il n’en avait l’habitude :

Ah ouais ok… c’est, c’est cool ça dis-moi. Mais… hum, j’aurais voulu savoir où c’qu’on… où nous nous trouvions. Parce que tu vois mon p’tit… euh mon cher, je… j’ai comme un trou de mémoire, un gros trou de mémoire. Ca m’arrive parfois mais là, c’est puissant quoi ! * Le Duc qui commençait à parler de plus en plus fort, s’en rendit compte et redevint plus calme * Mais bon, je vais pas te raconter ma vie. Je veux juste savoir notre position, et si c’est pas trop curieux ton identité. On est loin de Los Camelots ici ?

Son interlocuteur continuait de le fixer de ses yeux d’enfant, avec un brin de perversité. Il leva sa main droite protégée par un gantelet de cuir puis s’amusa à tripoter doucettement les poils d’une de ses pustules, comme possédé d’un tic nerveux. Son visage restait cependant impassible, ne trahissant aucune pensées ou émotions. Le Duc, très peu patient de nature, regardait autour de lui en attendant que le petit homme trouva enfin une réponse. Enfin, ce dernier abandonna ses caresses régulières et ouvrit les bras une nouvelle fois, comme s’il s’agissait d’un rituel pour accéder à la parole. Il prit fortement sa respiration dans un bruit de porte qui grince, puis répondit :

En ces lieux et ailleurs mon nom est Feu Follet,
Eternel Habitant de ces beaux paysages
Que tu peux admirer. Nous en sommes honorés
Et chaleureusement, t’invitons à Nous suivre.

Le Duc, cette fois-ci, n’eut pas le plaisir d’allonger ses lèvres pour manifester une quelconque sympathie. S’il avait d’abord cru à une petite drôlerie de la part de son voisin, il se rendait maintenant compte que c’était sa véritable façon de s’exprimer. Après tout, ce n’était pas pour lui déplaire. Au cours de sa vie, le Camelots avait pu rencontrer toute sorte de gens. Il se souvenait d’ailleurs d’un nain estropié, un dénommé Lucius, qui avait pour passion pré-crash disait-il de se cacher dans un énorme tube qui l’éjectait violemment et l’envoyait virevolter dans les airs. Lucius, la face rubiconde, lui détaillait souvent dans un transport amusant toutes les sensations qu’il éprouvait alors. Il racontait même que des centaines et parfois des milliers de gens venaient le voir s’élancer et se transformer en oiseau éphémère. Il parlait d’explosion, d’adrénaline, de pesanteur, d’une grande sensation de vide. Il parlait beaucoup ce petit bout d’homme, presque toujours en sautant comme si son vieil ami le « canon » le soutenait encore. Il parlait beaucoup certes, mais au moins, lui, parlait normalement dans sa langue rude et franche sans artifices hypocrites, sans apporter à ses propos une couche d’artificiel. Mais même ainsi, le Duc se persuadait que Lucius n’était qu’un pauvre fou, un misérable qui avait passé le crash avec un peu plus de mal que les autres, avec quelques handicaps, physiques et mentaux. Mais il lui plaisait, toute cette fantaisie qui émanait d’un si petit corps ! Lucius était très joyeux. La dernière fois qu’il l’avait vu, sautillant, transporté, ravi, Lucius avait raconté pour la énième fois son histoire ; son histoire de « cirque » comme il disait, son saut de l’ange nostalgique qu’il évoquait de ses yeux flous envahis par la passion et les larmes. Ce fut la dernière fois. Le lendemain, le Duc le trouva pendu par les pieds de sa grosse ceinture rouge. Lucius semblait avoir péri dans d’atroces souffrances. Mutilé et transpercé de toute part, la face compressée et plus écarlate encore par le sang amassé. Le tableau était repoussant. Et pourtant, c’était le Duc lui-même qui avait partagé sa couche avec la victime lors de cette nuit. Et si la vue du cadavre l’avait effrayé, il avait été saisi d’une peur plus intense en découvrant que tout son propre corps était aspergé de sang. Etait- ce donc lui le coupable ? Jamais il ne put l’admettre, sa satanée maladie lui jouait bien des tours mais pas à ce point, non ! Il s’était alors enfui du campement, ce campement où il avait connu et tué Lucius. Il avait fui, abandonnant son ami espérant aussi y laisser le monstre qui l’habitait, l’autre.
Quittant ce triste souvenir, le Duc regardait encore le nain vert comme pour y chercher un point final qui eût clôt ce qui venait d’être douloureusement rappelé. Puis, se répétant intérieurement les paroles de son interlocuteur, il essaya de revenir dans le sujet :


Feu Follet ? Ton nom c’est Feu Follet ? Bah c’est mignon dis-moi… et donc, l’endroit où on est c’est le « Monde Merveilleux » * prenant une voix de fillette * où dansent les lutins et chantent les oiseaux ? * reprenant sa voix grave * Tu te fouterais pas un peu de ma gu… * se souvenant soudain qu’une approche en douceur lui serait favorable * Hum ! J’veux dire, c’est beau, c’est gentillet tout ce que tu me dis là mais moi j’aimerais rentrer chez moi. A Los Camelots, tu connais ?

Le Feu Follet le regarda alors d’un air étrange, presque méchant ainsi qu’un enfant à qui l’on prive son sucre d’orge. Il recula lentement, montra du doigt le buisson d’où il était apparu puis se mit à courir vers lui en poussant un cri strident. A son passage, le buisson se scinda en deux puis se referma rapidement, reconstituant la petite barrière végétale qu’il était et masquant ainsi le chemin entreprit par le fuyard. Seuls de petits tintements de clochettes se faisaient entendre. Le Duc, ébahi par un tel comportement souffla pour lui-même « P’tain ! Mais ch’uis tombé chez des sauvages ou quoi ? C’est quoi ce bordel ? » puis sans trop prendre la peine de réfléchir et se doutant bien que le Feu Follet pouvait toujours lui être utile, il entama la poursuite. Il se rua sur le buisson comme un dératé puis dans un accès d’orgueil face à un public invisible, il essaya de l’enjamber en grande classe. Sa jambe se prit dans l’une des petites branches et il chuta lamentablement poussant des jurons exotiques et crachant sur le destin qui aurait bien pu lui offrir cette petite fierté athlétique, tout de même ! En se relevant, il comprit alors que le Feu Follet avait emprunté un chemin vers l’aval de la montagne et que la pente était pour le moins raide, très raide. Il commença par marcher avec précaution tout en s’appuyant sur de jeunes troncs d’arbres pour ne pas s’humilier une fois de plus. Le bruit des clochettes paraissait étouffé et commençait à disparaître. Anxieux de perdre ce qui aurait pu être son guide, il accéléra le rythme. Cela faisait longtemps que le Duc n’avait pas eu à courir de cette façon, du moins dans de telles conditions. Il retrouvait sa joie d’enfant, multipliant les risques de blessures, se sentant aussi léger qu’une plume à ne pouvoir aussi bien diriger son corps, laissant presque la montagne décider de ses pas. Un petit sourire de plaisir teinté de crainte s’esquissait sur son visage, sa vitesse devenant de plus en plus folle. Au loin une petite masse verte sautillait, ne s’arrêtant jamais et disparaissant sans cesse sous la flore locale. Lui criant aussi souvent que possible des « Attt – ttt – ennnnds ! » saccadés par les secousses qu’il subissait, le Duc aperçut dans la pente toujours plus raide un long tas de feuilles mortes masquant une légère couche de boue glissante. Son visage blanchit soudainement et ses yeux s’écarquillèrent semblables à une victime assassinée dans le dos, impuissant face à l’inexorable finalité de son trajet. Dans un magistral « Ohh putain naaaaaan ! », il sentit le sol se dérober sous lui, comme si un géant de son énorme main venait de tirer sèchement le tissu terrestre. Un choc sourd accompagné d’une violente secousse lui firent comprendre que s’il descendait toujours la montagne, il la descendait dorénavant sur le dos. Jamais les arbres n’auront défilé aussi vite sous ses yeux dévoilant de petits carrés d’azur au travers de leur houppier. A ce moment précis, le Duc, bizarrement, était heureux, une sensation de bien-être absolue le submergeait chaleureusement et il aurait bien voulu faire perdurer le plaisir quand une douleur intense l’immobilisa, lui, son extase et sa descente effrénée. Un tronc d’arbre assez mince venait de rencontrer son entrejambes de façon plutôt spectaculaire. Le pauvre homme se mit en boule, soutenant les parties meurtries de ses mains tremblantes. Et soudainement il se mit à crier, d’un cri puissant, long et bestial en réponse à un mal profond qu’il se devait d’affronter dignement. De sa face rouge sang, il fixait d’un regard assassin et terrifiant le Feu Follet qui s’était arrêté quelques mètres plus loin. Celui-ci n’en faisait pourtant pas cas, il se mit à sourire tel un gamin irresponsable et immature puis lui montra du doigt un nouveau bosquet où il s’empressa de disparaître en sautillant au rythme des clochettes. Totalement ahuri, serrant les dents à se les casser le Duc s’adressa au bosquet sur un ton inquiétant : « CONNNNNARD !! t’as envie de jouer hein ? ». Doucement, il se releva, essayant d’aligner un pas devant l’autre sans ressentir cette affreuse douleur génitale. Se rendant compte de sa pitoyable démarche et de son incapacité à réaliser quelques prouesses sans blesser sa fierté et ses organes, il se convainquit de ne marcher que très lentement, tranquillement, en s’appuyant à tout moment à un tronc. Le Feu Follet semblait maintenant être loin, aucun bruit ne pouvait prouver sa présence aux alentours, seul le doux crépitement des arbres dominait. Cependant, poussé par la curiosité, le besoin et la vengeance, le Duc continua sa route dans la direction du nain vert. Peu à peu la pente s’adoucissait jusqu’à devenir un terrain plat et l’épaisse forêt se dénudait bien qu’il était toujours impossible de voir au-delà de dix mètres sans qu’un arbre obstruât le champ de vision. Décidé à poursuivre son objectif, le Camelots avançait sûrement ne perdant pas espoir malgré la longueur du parcours qui ne cessait d’augmenter. Enfin, après avoir marché une éternité durant, le Duc s’arrêta : il était face à une énorme haie d’une dizaine de mètres de haut et qui semblait s’étendre à l’infini des deux côtés. Totalement opaque de son imposant feuillage, elle faisait figure de muraille verte, impénétrable et inébranlable en gardienne superbe, prête à affronter la curiosité de quiconque. Le Duc, engourdi par sa longue marche, les pieds endoloris restait coi. Il venait de marcher sans cesse pour en arriver à ça ! Non, il devait bien y avoir quelque chose derrière tout ce truc ! C’était trop louche pour être naturel. Il tenta une approche, écartant les premières branches comme pour tâter l’élément, vérifier sa solidité, sa résistance. Les composants de la haie n’étaient pas immuables, loin de là. Seulement, l’épaisseur de toutes ces branches assemblées rendait clairement le passage impossible et les feuilles omniprésentes décourageaient, ne laissant rien entrevoir de ce qui pouvait se tramer derrière. Le chevelu resta immobile un instant encore, les yeux hagards à l’image d’un zombie que l’espoir ne peut raviver. Puis soudain, dans un brusque mouvement, nerveux, il prit une grande distance de recul, fixa la haie une dernière fois, puis fonça vers elle, tête baissée beuglant un vague juron ou criant pour mieux se motiver. Le choc fut rude, plusieurs branches lui fouettèrent le visage et tout le corps. Il dut fermer les yeux pour éviter se faire embrocher les globes, continuant toujours et encore, poussé par une force magique, inconsciente et quasi-involontaire née d’une pulsion temporaire qui lui aurait donné l’assurance de défoncer tout obstacle. De minces entailles commençaient à apparaître laissant de petits filets de sang s’écouler sur la peau, certains cheveux restaient fixés aux branches et dans un hurlement, dans une détresse de bête qu’on abat, l’intrus se battait et se débattait pour passer, pour arriver de l’autre côté, dut-il en laisser un bras, une dent ou une oreille. Il sentait le végétal faiblir sous sa masse élancée, craquer comme du bois mort, il se sentait puissant mais le végétal résistait, il n’abandonnait pas. Alors dans un dernier cri, dans un dernier espoir, le Duc poussa tout son corps comme s’il offrait violemment son organisme à la nature pour mieux lui faire savourer sa victoire. Les branches craquèrent une nouvelle fois, plus fortement, puis ce fut le vide. Il sentit tout son être s’effondrer, tomber dans l’inconnu qu’il ne pouvait pas même voir puisqu’il gardait encore ses yeux fermés tant sa détermination avait été grande. Le sol l’accueillit d’un amour vache, l’abandonnant seul sur ce qui semblait être de l’herbe.
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Le Duc
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyMer 5 Juil à 5:46

L’assaillant ouvrit les yeux et, dans un effort harassant, se remit debout pour enfin observer ce qui lui avait tant coûté. Il se trouvait dans une vaste clairière où le ciel était parfaitement visible sans aucune gêne. Quant à l’herbe, elle était parfaitement rase contrastant avec la végétation sauvage de l’autre côté de la haie. Plusieurs fleurs de belles couleurs jonchaient magnifiquement la pelouse. Mais ce qui attira l’attention du Duc, c’était de petites habitations en bois clair coiffées d’un toit de chaume. Tout un village se distinguait ainsi, un village propre, organisé qui se fondait parfaitement dans la nature ambiante. Certaines chaumières étaient pourvues de fines et longues cheminées grises qu’un mince filet de fumée accompagnait. Plusieurs chemins en pierre blanche organisait le village et lui apportait une esthétique à la fois rustique et raffinée. Le Camelots, heureux de découvrir une trace de civilisation susceptible de l’aider, se mit à marcher jusqu’à l’entrée. De doux chants d’oiseaux se faisaient entendre apportant au lieu une magie incomparable. Ici, tout semblait sain et pur comme si le Mal n’avait jamais existé. Les fleurs dégageaient une odeur délicieuse, propre à chacune d’entre elle. Il y en avait des noires aux pétales énormes, des jaunes minuscules qui ne possédaient pas de tiges, semblables à des nénuphars posés sur le sol, d’autres encore s’ouvraient et se refermaient régulièrement, comme dépendantes d’une horlogerie interne. Des arbres aussi faisaient partie du site, mais ils étaient bien différents de la forêt, plus beaux, plus altiers. Une certaine noblesse émanaient d’eux et ils faisaient figure de souverains extérieurs et isolés du bas peuple. En s’approchant, le Duc constata qu’il y avait un bon nombre d’habitations, toutes étant à peu près de la même taille. Longeant l’une des routes principales, il arriva sur une place. Il ne devait pas s’agir du centre car bien d’autres chaumières se démarquaient à l’horizon, quoiqu’elles fussent plus espacées. Trouver des points communs avec Los Camelots était totalement impossible, tant au niveau de l’environnement que de l’architecture. L’entrée des maisonnettes n’aurait pu accueillir le Duc que s’il se trouvait à genoux en marchant à quatre pattes. Un vague pressentiment passa alors sur son visage lorsqu’il découvrit cette petite particularité. Et elle ne tarda pas à se confirmer : un bruit sec retentit dans le dos de l’arrivant. En se retournant il aperçut le Feu Follet ou plutôt un autre Feu Follet qui ouvrait de l’intérieur la porte de sa présumée maison. Lorsqu’il aperçut le Duc, il se mit à crier de la même façon stridente que l’autre tout en courant en direction des autres habitations situées derrière. Il disparut, son cri toujours audible qui semblait s’éloigner. Du peu de temps qu’il l’avait vu, le Camelots le comparait au premier Feu Follet avec qui il avait parlé dans la forêt. Les similitudes étaient si nombreuses que les deux individus auraient pu être jumeaux : même habits verts, même bottines noires et toujours ce drôle de chapeau à clochette. Seul le visage du dernier paraissait plus jeune que le premier, mais rien était sûr tant il s’était enfui vite. La porte du Feu Follet était restée ouverte, une porte en bois massif, qu’un gros heurtoir doré décorait. Le Duc voulu aller voir l’intérieur de l’habitat puis se ravisa, la curiosité pouvant être mal perçue chez ces drôles d’énergumènes. Il resta donc sur la place à attendre un bon moment, regardant tous les détails de ce nouveau monde, évitant de déranger. Etant enfin en inaction depuis son réveil, il cherchait à comprendre comment il en était arrivé là, en vain. Une blague des Camelots ? Impossible. Un délire alcoolique ? Non plus, tout était trop réaliste, la douleur, la fatigue et il était bien trop conscient pour être ivre. Encore perdu dans ses questions, le Duc entendit un brouhaha lointain s’élever progressivement. Une chose était sûre, on venait dans sa direction, sur la place. Le vacarme devint plus clair et des petits cris aigus mêlés à des bruits de clochettes se faisaient entendre. Et soudain, venant de toutes parts, de chaque rue, de chaque espace possible, une horde de Feux Follets s’amassa sur la place telle une nuée d’insectes affamés. Le Duc, effrayé, recula mais sentit très vite une multitude de petite corps dans son dos. Ils étaient partout. Leur visage affichait un sourire étrange, un mélange de sadisme et de curiosité. Leurs petits yeux, tous noirs, brillaient intensément comme s’ils venaient de découvrir quelque créature fantastique. On eut dit une meute de cannibales primitifs qui subissait une disette de plusieurs jours et qui, enfin, découvrait de quoi manger. Tous murmuraient au voisin des paroles rapides et incompréhensibles comme un enfant transmet son secret. Le Camelots voulut calmer le boucan :

Hoo ! Je suis pas une femme à barbe ou une bête de foire moi ! On se calme les gars, j’vous veux pas de mal !

A ces dernières paroles, tous les Feux Follets émirent des sons bizarres qui devaient sûrement être des rires. Certains montrait le Duc du doigt comme étonnés de sa capacité à parler, d’autres sautaient en l’air, en proie à une transe passagère inquiétante. Comme il l’avait constaté plus tôt, les autochtones se ressemblaient énormément. Ils possédaient tous les mêmes vêtements jusqu’au mêmes couleurs de clochettes : rouges, bleues et dorées. Il n’y avait que les traits faciaux pour les dissocier quoique tous étaient marqués de deux pustules poilues sur chacune des deux joues. Leur taille était quasiment identique, pas de gros, pas de maigres et femmes ou enfants ne semblaient pas présents. Ne sachant trop comment réagir, le Duc voulut une nouvelle fois prendre la parole afin d’expliquer clairement ses intentions quand tout le monde, au même moment, se tut. La foule compacte et verte s’écarta dessinant un chemin improvisé. Un Feu Follet l’emprunta, il était plus vieux que les autres, possédait une cape verte et dégageait un grand respect, du moins pour les autres Feux Follets. Il s’appuyait sur une belle canne de bois noir - trahissant une infirmité sûrement due à l’âge - pour se diriger vers son hôte. Le Duc constata que toutes ses clochettes étaient blanches. Arrivant enfin auprès du grand chevelu, le Feu Follet le regarda droit dans les yeux, puis parla en agitant sa canne en fonction des intonations :

Ô Toi ! Bel Inconnu qui de haut me regarde,
Laisse Moi donc le soin d’accueillir ta Personne,
Car depuis bien longtemps Notre Peuple n’a pu
Rencontrer comme Toi de tels Individus.

Tous ici sont Heureux de pouvoir t’accueillir
Dans ce petit Endroit, dans le Lieu des Plaisirs.
Et pour qu’à tout jamais soit gravé ce Moment,
J’ordonne à Mes Enfants un festin sur le champ !

Après avoir prononcé ces paroles d’une voix quelque peu vieillie et tremblante, il tapa dans ses mains. L’assemblée se dispersa alors dans tous les sens, affairée à préparer un grand repas. Le Duc quant à lui se lamentait de ne trouver personne pour parler normalement, sans tourner les phrases de cette étrange façon. Voyant que son interlocuteur, le chef du village sûrement, ne bougeait pas, il en profita pour lui demander :

C’est vraiment sympa d’organiser un p’tit truc pour moi, vraiment… Mais j’voudrais pas trop traîner en fait, faut que je rentre chez moi, à Los Camelots, vous connaissez ?

Le Feu Follet le regarda puis remua la tête en guise de réponse négative. Le Duc reprit :

Et merde… Vous connaissez pas une comm’ notoire dans le coin, j’ai pas pu traverser le monde en une soirée, non ? Vous… vous avez pas une carte que je puisse à peu près voir où je suis ?

Le petit être continuait de le fixer d’un regard compatissant, puis il leva un sourcil en signe d’incompréhension.

Bah vous savez bien où vous vous trouvez quand même ! * regardant autour de lui, exaspéré * C’est quoi ce trou paumé ? Et puis c’est quoi tout ces vêtements de guignols ? Pas pour vous vexer mais franchement… vous êtes une troupe de handicapés et de diminués ? Vous faites des p’tits spectacles pour survivre c’est ça ?

Le vieux resta impassible.

Bon ok… faut qu’je bouffe pour vous faire plaisir c’est ça ? En même temps, ch’uis pas contre j’ai un peu faim là. Mais après ça, vous me jurez de m’expliquer la région parce que je tiens à pas rester ici, pas que je me plaise pas mais bon.

Le Feu Follet n’avait pas du tout saisir de ces charabias mais il en avait retenu la notion de nourriture. Retrouvant son sourire, il tendit la main vers une des routes, puis marcha dans sa direction. Le Duc n’eut cette fois-ci aucun mal à suivre vu la faible rapidité du petit homme. La route qu’ils empruntaient menait vers l’intérieur du village. L’invité voyait tout autour de lui s’agiter les nains verts, transportant du mobilier mignon qui devait être tables et chaises. Après avoir traversé plusieurs quartiers, ils arrivèrent enfin à une autre place bien plus grande que la première et entièrement pavée, de la même pierre blanche des chemins. Trois gigantesques tables basses l’emplissaient en formant un U. Chacune était gorgée de mets raffinés disposés dans de somptueux plats rutilants. Pas une communauté du désert ne pouvait prétendre posséder autant de richesses ! Tout étincelait, des étendues de viandes grasses, des montagnes de fruits dodus, toute une pléthore excessive de luxe ruisselait sous les yeux du Duc. Le chef lui indiqua la table centrale sur laquelle ils allaient s’asseoir. Les sièges étaient ridiculement minuscules quoique extrêmement bien ornés d’une multitude de pierres chatoyantes. Les préparatifs passés, tout le monde s’assit en silence. Le Camelots manqua de tomber de son siège tant il était petit, on aurait dit un géant venant déjeuner chez des lilliputiens. Ses genoux ne passaient pas sous la table, le dossier de son siège lui rentrait dans le bas du dos, en bref le géant n’était pas à son aise. Environ une centaine d’habitants était présente pour assister au festin. Le vieux leva sa main droite écartant distinctement tous ses doigts. Lentement, il regarda un à un ses convives souriant bêtement attendant que chacun lui rende son geste de politesse. Si le rite semblait important, le Duc commençait à perdre patience sur son fauteuil de torture. Voyant que tous les Feux Follets étaient occupés à leurs imbéciles préliminaires, il tenta de glisser ses pieds sous la table, espérant une position moins douloureuse. Malheureusement son corps n’était vraiment pas adapté aux constructions des nabots, il ne réussit qu’à coincer ses jambes sous la table. Encore plus mal à l’aise qu’au début, il les retira vivement secouant toute la table et renversant même quelques coupes. Comme pour signer l’acte maladroit, un généreux « MERDE ! » se fit entendre, suivi de rapides excuses incompréhensibles. Un léger murmure monta et, à la manière d’une cour de récréation, les petits êtres riaient entre eux, amusés de l’exotisme de leur invité. Alors, le patriarche se leva, monta sur la table et tapa trois fois dans ses mains. « Putain, mais si vous mettez plus de temps à préparer le repas qu’à… », le Duc n’eut pas le temps de finir car déjà une autre troupe de Feux Follets - une vingtaine environ - arrivait, munie d’instruments de musique. Essentiellement constitué de percussions et de cuivres, l’orchestre composait une musique au rythme endiablé. Dès que les premières notes se firent entendre, le festin commença. Les nains, qui jusqu’alors étaient restés sagement assis, empoignèrent à pleines mains la nourriture pour la porter bestialement à leur bouche. Le Duc lui-même fut étonné de ce comportement. Son voisin, le vieux, s’empiffrait, dévorait tout ce qu’il trouvait et qu’il put faire disparaître dans son estomac. Leurs clochettes, parfois, baignaient dans la graisse de quelque viande. Ils s’étaient tous métamorphosés en monstres négligés, s’accaparant le moindre met, devenant égoïstes à conserver d’avance tout aliment qui fut comestible à l’avenir. Ils ne se regardaient même plus entre eux, ne souriaient plus, ils mangeaient, comme si leur vie dépendait du dernier morceau de chair comestible. Certains, ne trouvant plus à manger à l’endroit de la table où ils se trouvaient, commençaient à crier, à remuer leur tête et leurs clochettes, désespérés. Ceux-là n’avaient d’autre choix que d’essayer de voler au voisin ou de se rembrunir plus encore dans leur transe démoniaque ajoutant leurs tintements de clochette à l’orchestre dominant. Dans cette orgie gourmande, le Duc, timidement, goûta le liquide rose qui se trouvait dans sa coupe : aucune saveur. Le peu de nourriture qu’il réussit à trouver lui fit le même effet. Eh bien ! Si c’était pour cette merde que tout le monde se battait ! Vraiment, il était tombé dans une ville de tarés ! Les musiciens, bien que ne prenant part au repas, se comportaient eux aussi à la manière de pauvres gens qu’un démon vient de contrôler. Leur démarche était folle, suractivée, et ils frappaient ou soufflaient toujours plus fort, augmentant inéluctablement la puissance sonore qui sortait de leurs instruments. Le Duc resta un bon moment assis à regarder toute cette débauche d’un œil à la fois étranger et connaisseur. Puis vint le moment où quelques Feux Follets qui avaient fini leur repas, s’approchèrent de leur invité. Ils semblaient être plus gros et gonflés et leur visage était devenu rouge. Toujours entraînés dans leur frénésie, les yeux luisant d’un plaisir indéterminé, ils tirèrent le Duc par la manche pour finalement l’attirer au centre de la place, dans le creux du U des trois tables. L’orchestre se rapprocha et plusieurs autres nains encerclèrent leur hôte. Ils se prirent chacun la main et formèrent une ronde. Alors, le Duc commença seulement à voir chez quelle bande d’allumés d’allumés il était tombé. La ronde tournait autour de lui, les Feux Follets sautillaient en même temps qu’ils lâchaient d’horribles cris. Le Camelots ne suivait plus rien à l’histoire. Il entendait une musique terriblement forte, hypnotique, entraînante, joviale, barbare, lui voulait-on du mal ou était-ce pour son plaisir ? Totalement déphasé, il ne voyait plus qu’un rideau de vert sans cesse en mouvement. Parfois, il avait l’impression de lire sur un visage un sentiment de haine inextinguible, il se demandait quel tourment on allait lui faire endurer, mais il était prêt à lutter. Soudain, tout s’arrêta. La ronde joyeuse ne tourna plus. La musique laissa place au silence. Seul un petit cri d’agonisant persistait. Le Duc vit alors un Feu Follet, à genoux, une énorme lance lui transperçait le cœur. Tous le regardaient, effrayés, gémissant. La victime regarda le Camelots une dernière fois, la bouche laissant fuir des flots de sang, puis peu à peu la petite lueur de ses yeux disparut et il s’effondra sur le côté, mort.
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyMer 5 Juil à 5:47

Tout parut alors intemporel, l’atmosphère venait de se figer, chacun regardant le macchabée d’un air triste ou effrayé comme si ce meurtre cachait une chose bien pire encore. Le Duc qui peu à peu se rendait bien compte de l’imprévu parla tout haut pour interroger la foule :

Mais z’êtes fous ?! C’est vos p’tits jeux à vous ça ? Faut qu’vous vous massacriez dès qu’y a une fête ? Ok, y peut y avoir des accidents mais là…

Personne ne réagit.

Ouais ok… on va se la jouer cool. Bon, moi j’y vais ! Amusez vous entre vous mais j’tiens pas à jouer à l’embroché !

L’audience, une fois de plus, ne disait rien. C’était comme si l’âme d’un gamin se trouvait éparpillée dans tous ces petits corps, têtue et inconsciente du danger. Le Duc n’en demandait pas mieux, il voulait juste rentrer, ou du moins partir. Sans un bruit, il s’éloigna, espérant que personne ne vint le déranger avant qu’il fût sorti du village.

Le Duc venait de quitter le gros de la foule ne croisant plus quelques Feux Follets à l’écart. Lui qui avait vu de nombreux corps dans sa vie restait quand même choqué. Ce meurtre, en pleine fête, sans prévenir de rien, c’était dingue ! Et surtout l’attitude des habitants était intrigante. Ils ne bougeaient pas, ne disaient rien à croire qu’ils attendaient quelque chose d’inévitable. Des cris se firent alors entendre, mais ce n’étaient pas les Feux Follets. Et ce n’étaient pas leurs petits cris de joie étrange. L’intonation était clairement guerrière et haineuse. Le Duc, pour la seconde fois, eut l’impression d’être submergé mais l’instinct lui disait que cette fois-ci, ce ne serait pas pour jouer à l’invité nigaud : une armée de nabots envahissait le village. Ils ressemblaient beaucoup aux Feux Follets à la différence qu’ils étaient tous vêtus de bleu. Ils ne possédaient pas de chapeau à clochettes mais un long bonnet où finissait un pompon. En d’autres circonstances, le Duc se serait bien marré mais les petits démons n’avaient pas l’air de vouloir rire. Certains tenaient de beaux arc, d’autre de grandes lances et plus rare encore, des tridents dorés. En l’espace de quelques instants toute la place fut encerclée. Les assaillants prenaient position sur le toit des chaumières ou bloquaient les nombreuses issues. L’un d’eux s’avança, affichant un sourire narquois, les yeux rouges et fixant le souverain des Feux Follets. Il possédait lui aussi une cape, bleue, et un trident doré. Le Duc comprit alors l’origine du meurtre qui venait d’avoir lieu et surtout, imaginait déjà le triste avenir de ceux qui l’avait accueilli. L’horrible nabot s’avança encore, pour bien montrer qu’il allait prendre la parole. Il monta sur l’une des tables basses, lui procurant une altitude misérable et laissant deviner un penchant pour l’envie de dominer. Rapidement il balaya du regard tous les Feux Follets, ne s’étonna même pas de la présence du Duc, puis replongea ses petits yeux rouges dans ceux du vieux pour enfin dire, d’une voix assurée d’orateur :


Toi ! Toi, misérable faquin comme tout les tiens, aujourd’hui enfin tu vas connaître la volonté du Destin ! Moi, Maître des Lucioles, Peuple Supérieurs des Contrées Sauvages, Je viens ici reprendre ce qui nous revient de droit. Vous avez osé vous installer sur nos Terres ! Vous, misérables, incapables ! Vous nous avez volés, tout ce village que vos imbéciles mains ont bâti ne doit pas exister. Nous seuls avons la permission de façonner la Nature qui nous entoure. Aujourd’hui, Moi, Maître des Lucioles, Je veux vous voir périr lentement sous le coup de nos armes ! Vous n’êtes qu’une sous race, jamais personne, jamais animal, jamais plante n’aurait dû voir les insignifiantes créatures verdâtres que vous êtes. * rire long de dégénéré, le blanc de son œil est d’un jaune visqueux contrastant avec le rouge sanguin de l’iris. Montre du doigt le vieux * Mais maintenant, vous allez souffrir, Nous allons vous exterminer un à un car Nous sommes nés pour gouverner, pour gouverner et pour détruire, pour anéantir les défauts de la Nature. Nous sommes ses mercenaires et en ce Jour de grâce, elle nous ordonne de supprimer la Honte qu’elle a enfantée. * même rire supérieur avec acclamation de son armée *

Les Feux Follets restaient froids, se regardaient cherchant de l’espoir dans les yeux d’un autre. Le vieux souverain baissait la tête, accablé par les menaces si véhémentes du chef des Lucioles. Son visage restait sage, on sentait le bon patriarche protecteur qui aurait donné son corps, sa vie pour éviter le grand malheur annoncé. Le Duc restait encore sur les dernières paroles du mégalomane nain quand il éclata enfin dans un rire moqueur et bruyant :


Et vous avez pas trouvé mieux ? Faut qu’vous vous les fassiez parce que leurs gueules vous reviennent pas ? Meuheuheu, z’êtes vraiment cons dans le coin, marrants mais cons !
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyMer 5 Juil à 5:48

Alors, ce fut le drame absolu. Le chef des Lucioles poussa un cri d’homme et lança l’assaut. Au même moment des explosions retentirent et de grands jets de flammes montèrent au loin, brûlant les habitations aux alentours. La première rangée des Lucioles fonça et s’écrasa sur la foule des Feux Follets transperçant déjà quelques pauvres innocents. Les attaquants étaient bien mieux armés et possédaient l’avantage de la surprise. Une grande partie des Feux Follets tomba dans un massacre atroce. Leurs agresseurs donnaient l’impression d’être nés pour exterminer. Ils anéantissaient avec une rage sourde qui éclatait lorsqu’un pauvre petit être vert expirait. Les volées de flèches contribuèrent grandement à l’attaque des Lucioles. Beaucoup de Feux Follets les reçurent au niveau de la tête et de la gorge, s’effondrant immédiatement et livrant au sol blanc des hectolitres de sang. Les lances et les tridents aussi étaient terribles. Les mignonnes petites têtes roulèrent par terre conservant leur expression de terreur.
Mais rapidement, le centre de la foule réagit face au brusque assaut. Sans stratégie véritable, chacun fonça sur une Luciole, dans le but unique de tuer, de se venger et de survivre. Cette fois-ci, il y eut des pertes des deux côtés. Un Feu Follet se précipita sur une Luciole encore affairée à encocher une flèche. Il réussit à la mettre à terre puis dans une lutte horrible, dans un combat à mains nues, il tenta de l’étrangler rageusement. L’autre ne se laissa pas faire. D’une main nerveuse, il réussit à atteindre le visage de son agresseur et lui enfonça sournoisement un doigt dans l’œil. L’organe s’enfonça, quittant son orbite et donnant au Feu Follet un aspect de monstre. Dans un soubresaut de fou furieux, il regarda le responsable, puis déversa sur lui un cri de survivant. Emprunt d’une force nouvelle, il l’attrapa fermement par les mains puis, de ses dents pointues, il se mit à lui dévorer le nez.
Partout le combat faisait rage, multipliant les actes barbares et sanglants. L’air s’était empli d’une odeur de brûlé. Le feu se propageait vite et incendiait facilement toutes les chaumières. Bientôt le ciel ne fut presque plus visible, masqué sous cette atmosphère grisâtre et oppressante. Le Duc restait ahuri par la scène, tous ces petits corps qui se déchiquetaient, s’arrachaient et s’entretuaient avec tant de haine et de détermination ! Un spectacle unique. Mais, alors qu’il regardait un Feu Follet en train d’éclater la mâchoire d’une Luciole par la seule force de son poing, il entendit un sifflement aigu et proche. Ce sifflement, c’était celui qu’il entendait tous les jours en allant à la chasse, celui que fait une flèche lorsque qu’elle traverse l’air. Il eut à peine le temps de voir le trait que déjà une grande douleur naissait au niveau de son ventre. Le projectile venait de transpercer son abdomen laissant apparaître une grosse tâche rouge sur sa chemise. Le choc le fit reculer de quelques pas puis il chercha un appui en titubant, dominé par le mal récent qui l’envahissait. Il regardait béatement le long morceau de bois qui lui traversait le corps, un goût de sang dans la bouche, lorsque son chemin croisa celui du chef des Lucioles accompagné d’un de ses gardes. Le Maître des Lucioles l’observa de ses yeux rouges, un sourire sadique aux lèvres avant d’ajouter :


Monstre ! Vois le dégénéré que tu es ! Poilu et difforme, tu es pire que tes frères, les verdâtres impotents ! Que Ma gracieuse main efface la grossière tâche qui a le culot de me faire face, Moi, le Brillantissime !

A ces derniers mots, il empoigna son trident d’or et l’enfonça profondément dans la cuisse du Duc. Sous cette seconde agression, le Camelots dut se mettre à genoux, plié par l’insupportable douleur qui maintenant était omniprésente. Il sentit peu à peu sa jambe s’engourdir, une fraîcheur au niveau du ventre et son cœur qui battait à en éclater. Un afflux de sang monta au niveau du sternum avec le choc d’un coup contre sa gorge. Puis il n’entendit plus rien, ou seulement des bruits sourds, étouffés. Il voyait la méchante face du chef des Lucioles se tordre en un rictus de jouissance, plaisir de dominer et de faire souffrir. Il le voyait rire avec son garde, il le voyait le montrer du doigt, il le voyait, heureux à pouvoir le narguer, heureux d’abattre le monstre difforme qu’il était. Le Duc, depuis son étrange réveil, avait durant toute la journée suivit un parcours chaotique. Et malgré tous les événements, il avait toujours réussi à se contrôler, lui, l’impulsif de Los Camelots. Mais là, en ce moment, moment où il était à genoux, soumis et raillé par un nabot mégalomane, transpercé d’une flèche et la cuisse inondée de sang, là, précisément, il sentait une obscure force le pénétrer et prendre contrôle de son corps. Lui qui s’était tenu toute la journée, toujours jovial et souriant, se laissait peu à peu gagner par la vengeance. Les dents serrées, il fixait le nabot, une douleur horrible lui labourait le cerveau. Puis il fut prit de spasmes, tout son corps se contractait prêt à agir, ses poings, ses bras, ses jambes. Les blessures qui l’avaient obligé à se mettre à terre ne lui faisaient maintenant plus rien. Seule, cette migraine insoutenable durait, cette migraine que le Duc redoutait plus que tout, car son apparition était un avertissement : l’Autre arrivait.

La Luciole avait bien senti le changement. Le visage du Duc qui grimaçait sous la douleur était soudainement devenu dur, impassible et déterminé. Il dégageait une tension véritablement effrayante et ce regard de psychopathe à la fois neutre et inquiétant alimentait l’imagination de tous ceux qui le contemplaient, les laissant perplexes. Il se releva dans une rapidité surprenante, poussa un grognement sauvage puis retira brusquement la flèche qui l’avait touché, dans un bruit de tripes secouées. Une nouvelle marre de sang s’écoula mais le blessé maintenait son attitude froide et sombre. A la vue de cet incroyable géant que rien ne semblait pouvoir terrasser, le garde ouvrit grand la bouche d’étonnement, ridicule dans cet aspect d’enfant béat. Le Duc soufflait de plus en plus fort à la manière d’une grosse mécanique sous pression, bancale et incertaine. Puis, dans un hurlement rauque qui faisait fausse note parmi tout cet assemblage de petits cris infantiles, il empoigna fermement la tête du garde par la nuque et lui enfonça profondément la flèche dans la gorge. Le misérable ne pouvant plus respirer convenablement, se mit à cracher du sang par paquet de glaires quand que le Duc s’amusa à reprendre la flèche encore enfoncée et à la remuer dans tous les sens. La pointe du projectile avait transpercé le cou de la Luciole et on la voyait disparaître puis reparaître amassant toujours plus de tissus organiques. Le visage du Duc était alors horrible à regarder, rouge, parsemé de tics nerveux et exhibant un sourire sadique. Son souffle restait intense et rauque à la limite du rire. Enfin, pour en finir avec sa victime il la plaqua au sol au moyen d’un puissant coup de poing puis écrasa la petite tête avec son pied faisant ressortir la flèche plus encore.
Le chef, abasourdi par la performance du Duc, reprit rapidement ses esprits et entama un saut bien haut pour sa petite taille. Le Camelots l’attrapa en plein vol par le col de sa redingote. Il l’entraîna vers la dernière table qui n’avait pas encore été renversée dans la bataille tout en lui déclarant sur un ton bas et solennel «
A ton tour salope ». Le ton était net et cinglant, bien différent de celui d’avant le massacre, plus blagueur que sérieux. Le nabot se débattait violemment et poussait des petits cris étouffés et plaintifs. Arrivé près de la table, le Duc le prit – comme pour le garde – par la nuque et le força à plonger sa tête dans un plat rempli de sauce. Le liquide, gras presque visqueux, gonflait à certains endroits par les bulles d’oxygène que la pauvre Luciole abandonnait. Plusieurs fois, réjoui par son nouveau jeu, le Camelots émergeait et replongeait la tête de son jouet vivant, prenant toujours plus de plaisir à entendre les gémissements du suppliant. « Alors connard ?! Tu prends ton pied ? », malignement le tortionnaire posait la question lorsque la Luciole avait le visage bien enfoncé dans le liquide. Mais le petit être était endurant et, bien que fort essoufflé, résistait presque fièrement à chaque nouvelle plongée. Commençant à perdre patience, le Duc hurla « Mais saloperie de lutin de merde ! Tu vas crever oui ! » avant d’asséner un fort coup de poing sur la tête de la Luciole. Toujours plus fort, il continua à frapper et au quatrième coup, comme craque du bois sec, le petit crâne éclata répandant dans le plat la cervelle qui s’étalait au fur et à mesure des coups suivants. Au bout d’une bonne vingtaine de coup, le boucher s’essuya la main en la passant sur son menton perdant de minuscules bouts de cervelle dans sa barbe ressemblant maintenant à de petites étoiles grises perdues dans une galaxie capillaire. Il regarda une dernière fois son œuvre éclatée, riant du rendu final et s’interrogeant sur ce qui avait pu être le repas ou l’ancienne tête du souverain mégalomane.
Tout le village brûlait et l’incendie gagnait la place. La fumée quant à elle avait totalement recouvert l’endroit et un brouillard permanant s’était installé si bien que l’on percevait difficilement les combattants. Fou de rage et gourmand de violence pure, le Camelots se jeta dans la foule des guerriers nains pour assouvir ses désirs de psychopathe. Il explosait des crânes en un coup de poing, craquaient vicieusement les os ne faisant pas de différence entre Feux Follets et Lucioles, il tuait et démembrait pour son propre plaisir. Jamais sa seconde personnalité n’avait autant éclaté, on sentait tous les vices émaner de sa fureur d’éternel fou, il s’animalisait devenant loup pour mieux déchirer les oreilles ou lion pour mieux rugir sa haine et la faire pénétrer dans le corps de chacun. Le Duc pétait un câble, et cette fois-ci la crise était aigue. Il dut massacrer une trentaine de ces hommes modèles réduits, il tua même le vieux patriarche du village. Lorsqu’il avait étranglé, ses mains serraient tellement fort, qu’avec l’une il sentait les doigts de l’autre à travers la trachée du malheureux. La face du petit vieux était devenue terriblement rouge et les deux pustules avaient éclaté déversant un flot de pus jaunâtre. Seulement, les petits êtres se rendirent bien vite compte du prodigieux pouvoir destructeur de l’inconnu et, alors qu’il finissait d’éteindre la vie d’un nabot aussi vulgairement qu’il aurait soufflé une bougie, le Camelots sentit une profonde décharge dans le dos. Une sournoise Luciole venait de lui planter sa lance. Puis il reçut un flot de flèches au niveau du tronc. Abattu par la douleur, le Duc s’agenouilla, encerclé par tous ces minuscules démons. La fumée était partout et il n’était plus possible de voir à deux mètres à la ronde. Seules des ombres difformes apparaissaient, grandissaient et semblaient donner des coups en pleine figure s’ajoutant à la douleur des armes tranchantes. Bientôt il ne sentait plus que ces coups qui lui fouettaient le visage et il ne distinguait plus rien, les yeux complètement embués.



* * *



Avec le temps la fumée se désépaissit et le Duc recommença à percevoir les éléments qui l’entouraient. Il n’entendait plus les monstrueux cris aigus des nabots verts et bleus mais une voix grave et singulière. Quelques insultes lui parvenaient en guise d’accompagnement aux claques qu’il recevait sans broncher. Progressivement il reconnut Gwâara, colérique et qui lui reprochait de ne pas avoir « partagé ». Partager quoi ? Le Duc se releva et se rendit compte qu’il était assis et non agenouillé puis évolua dans ce nouveau lieu en titubant. Toujours sous les vives insultes du shaman, il se dirigeait vers la sortie en essayant de se remémorer ce qu’il venait de vivre. Il y voyait une montagne, une forêt, un village et ses minuscules habitants, le tout mélangé dans des visions d’horreur et de sang. Décidément, il avait dû bien s’amuser la veille ! Mais pour l’heure, il devait aller chasser, retourner à sa routine habituelle pour permettre à Los Camelots d’avoir son quota de nourriture. Pourtant, en cheminant à travers la ville, bercé par des souvenirs qui lui revenaient aussi furtivement que des éclairs, il lui restait comme un arrière goût de sensationnel, d’épique… Non vraiment, la veille avait dû être bien arrosée !
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyJeu 6 Juil à 2:08

sacré duc !!

hrp :

ptdr .... vla le pavé !!!
What a Face

je vais le lire en plusieur fois si ca te derange po !
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Le Duc
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyJeu 6 Juil à 17:41

[HRP

Citation :
je vais le lire en plusieur fois si ca te derange po !

Aucun problème boss Very Happy . Comme ça tu pourras me donner un avis supra détaillé ! Nan je rigole dwarf . En tout cas content d'être lu Wink , c'est plus motivant. HRP]
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Le Duc
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptySam 16 Sep à 1:08

[HRP: Dites les Enfants, y en a-t-il qui ont eu le courage de me lire ? HRP]
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Hugotothecinema
Bavard
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptySam 16 Sep à 19:52

Je passe pour voir des nouveautés la je voie le pavé Shocked What a Face j'avoue j'ai pas le temps mais je vais le lire! quand j'aurai beaucoup de temps!!!
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Renaud d'Acerbeverbe
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyLun 18 Sep à 20:55

HRP /
Problèmes de connexion, je peux me connecter que chez un copain le soir donc j'évite de le squatter trois plombes.
On verra quand j'aurais internet.
/ HRP
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LiLA
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyMer 20 Sep à 18:35

Môa zé pô le couraze et pis ze sais pô lire dabord !
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptyVen 22 Sep à 12:32

Vilaine !
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LiLA
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MessageSujet: Re: Epopée Ducale.   Epopée Ducale. EmptySam 23 Sep à 2:09

Hihiiii !!! Même pô vrai dabord !!! tire la langue Naaaaaaaaaa
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